LGBTQ au travail (2023)

Emmanuel Beaubatie, Sébastien Chauvin, Sophie Pochic (2023) “LGBTQ au travail. Entre discriminations et émancipations“, Travail, genre et sociétés 2023/1 (n° 49), pages 23 à 26.

Les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans’ et/ou queer (LGBTQ) sont généralement invisibles dans les enquêtes de sciences sociales sur les milieux de travail. Quand elles sont mentionnées, c’est principalement sous l’angle des politiques de gestion de la « diversité », qui commencent à les inclure timidement comme catégorie cible [Falcoz et Decuwe, 2019]. Si la sociologie du travail a été au cœur de l’élaboration de la sociologie des rapports sociaux de sexe et du féminisme matérialiste, elle a longtemps été réticente à intégrer la question de la sexualité sur ses terrains [Colgan et Rumens, 2015 ; Williams et Giuffre, 2011] et ce, particulièrement en France [Clair, 2013]. Les disciplines académiques n’échappent pas non plus à certains biais hétéronormatifs – lorsque l’on présuppose l’hétérosexualité des individus – et cisgenres – lorsque l’on présume que les personnes se reconnaissent dans la catégorie de sexe qui leur a été assignée à la naissance.

Ce dossier invite à réfléchir aux apports de l’articulation entre analyses du travail et études sur les personnes LGBTQ. Cet objectif est d’autant plus crucial que le champ des études gaies et lesbiennes (que les sources de financement ont souvent amenées à se concentrer sur la santé et le VIH), aujourd’hui étendu aux études queer et trans’, a lui-même délaissé cet objet de recherche. Rares sont les scientifiques venant des études LGBTQ à s’intéresser de près aux questions professionnelles, exception faite du travail du sexe. Malgré une introduction récente des approches matérialistes au sein des études trans’ [Clochec et Grunenwald, 2021] et l’émergence de recherches sur les minorités sexuelles et de genre dans les services publics [Prauthois et Biland, 2022], les sujets de l’accès à l’emploi, des parcours et des interactions professionnelles ou encore des institutions du travail demeurent marginaux. Pour les réintégrer dans les études LGBTQ, ce dossier invite à se défaire de conceptions hétéro- et cisnormatives du travail.